« Je sais compter jusqu’à… mille. »
Ces deux derniers mois, Maya compte de manière régulière. Au début, elle pouvait compter en boucle plusieurs minutes, en reprenant à « un » après avoir atteint le « vingt neuf », le nombre au niveau duquel elle restait bloquée. Mais assez rapidement, elle a appris à connaître et à mémoriser « trente », puis « quarante » et ensuite « cinquante ». Elle avait vite compris par elle même que derrière les nombres suivants, il lui fallait ajouter « … et un, … et deux, … et trois, etc. ». Cela lui a donné un nouvel élan. Elle s’est amusée à compter, et à compter, et à compter encore comme cela pendant plusieurs jours jusqu’à « trente neuf », puis « quarante neuf ». Il lui arrivait parfois de confondre le « quarante » et le « cinquante », mais à force de répétitions et avec un coup de pouce de notre part (quand, dans le doute, elle demandait de l’aide), elle finit par compter jusqu’à « cinquante neuf » toute seule sans se tromper.
Elle ne voulait pas s’arrêter en si bon chemin alors, sans perdre le rythme, elle nous interrogeait progressivement pour connaître les dizaines suivantes. Elle a mis un peu de temps pour apprivoiser le « soixante ». Le « soixante-dix » a été comme une révélation : ça ne sonnait pas comme les autres nombres ! Puis vint le « quatre-vingt », autre étrangeté qu’elle mit également un certain temps à apprivoiser. Et enfin, le « quatre-vingt dix », avec lequel elle fut très à l’aise rapidement, contrairement aux nombres précédents.
En quelques semaines de répétitions, à nouveau, après s’être mélangée les pinceaux plusieurs fois et s’être corrigée, elle put compter jusqu’à « quatre vingt dix-neuf » avec une certaine assurance.
« Et après, qu’y a-t-il ? » me demande-t-elle un jour. « Et bien après, il y a cent, et ensuite cent un, cent deux, cent trois, et ainsi de suite… » ai-je répondu.
Alors, elle se mit à compter de « un » jusqu’à « deux cent », à plusieurs reprises, plusieurs fois d’affilée. Elle comptait à la maison, tout en jouant, dans la voiture, à table… partout, quand cela lui chantait. Elle jubilait à chaque fois qu’elle arrivait à « deux cent ».
Puis un jour, elle alla au-delà de « deux cent ». Mais, elle s’arrêta bien avant « quatre cent » et décréta avec satisfaction : « de toutes façons, je sais compter jusqu’à mille maintenant, c’est juste que le temps me manque pour le faire à voix haute. »
Pour ma part, voyant son intérêt pour la numération, je lui ai proposé de venir jouer plus souvent avec moi avec les perles dorées de Montessori. C’est un matériel qu’elle a déjà eu l’occasion de manipuler à l’école, et un tout petit peu à la maison. Elle a répondu positivement à ma proposition : elle était motivée pour le redécouvrir, ce qui n’était pas le cas jusque là.
Nous avons manipulé le matériel de différentes manières, de façon classique, d’une part, et à travers le jeu, d’autre part. Pour la partie ludique, nous avons par exemple imaginé ensemble une version du jeu de la marchande, où il s’agit d’utiliser les perles comme monnaie d’échange. Une fois qu’elle avait pu s’approprier les notions d’unité, de dizaine, de centaine et de millier, ainsi que des équivalences (soit une dizaine c’est dix unités, une centaine c’est dix dizaines, un millier c’est dix centaines), nous réutilisions les connaissances acquises de manière concrète à travers le jeu. Nos jeux et manipulations pouvaient durer une heure, voire deux heures.
Lorsqu’elle s’est sentie à l’aise avec les perles, nous avons découvert les symboles correspondant aux différents ordres de grandeur : le 1 et le 10, qu’elle connaissait déjà, puis le 100 et le 1000. Ensuite, vinrent 20, 30, 40, … , 100, 200, 300, … , 1000, 2000, 3000… qu’elle lisait de cette manière : deux dizaines, trois dizaines, …, deux centaines, trois centaines, …, deux milliers, trois milliers,… selon les principes Montessori. Elle a rapidement assimilé ces symboles et a appris à les associer aux quantités de perles correspondantes. Nous en étions à ce moment de son apprentissage lorsque, parallèlement, elle parvint pour la première fois à compter, sans erreur, jusqu’à « deux cent ».
La prochaine étape serait qu’elle soit en mesure de faire le lien entre les nombres qu’elle énumère lorsqu’elle compte, d’une part, et les ordres de grandeurs ainsi que les symboles écrits correspondants, d’autre part. Tout un monde reste à explorer, à travers la découverte de l’écriture et de la lecture de ces nombres qu’elle aime tant énumérer.